"Una vita così dolce" Feat. Beleth

La malice du Sicilien se retrouvait dans les yeux de sa fille aînée. Ils avaient ces expressions que l’on prête aux félins. Il y avait peu de doute sur le fait que la jeune Sofia serait plutôt une prédatrice qu’une proie dans ce monde moderne. Elle savait pourtant que la Prodige qu’était sa mère restait l’une des femmes les plus puissantes de l’Archipel. Parfois, elle se demandait comment son père faisait pour avoir un ascendant sur elle.

– Est-ce que je peux apprendre ? Même si la réponse pouvait se deviner il n’y avait pas de mal à tenter sa chance une fois encore. Sofia voyait sa famille travailler, bâtir, elle savait qu’oser pouvait donner des résultats parfois inespérés.

Elle souriait à son père. La douce pression qu’il faisait sur son épaule était moins gênante que devant ses copines. Ce n’était pas évident ces derniers temps d’être la fille du Duc de Lampeduza en même temps qu’une jeune femme indépendante. Cependant, même dans ce déchirement de l’adolescence, elle restait très attentive à leur clan.

– Seuls. Oui peut-être pour être plus tranquille c’est ça ? Mais c’est un peu triste. Non ? Je trouve ça triste... Sofia était à un âge où la solitude lui paraissait effrayante. Elle appréciait d’être seule surtout parce qu’elle savait qu’elle allait finir par retrouver l’animation d’un groupe, d’une famille. Oh ! A avoir des rendez-vous secrets ? L’idée amusait beaucoup cette demoiselle qui de son côté découvrait les premiers effets de l’amour. L’aspect “secret” de relation avec Jack lui plaisait. Les risques amenaient de la peur et de l’excitation. Quand ils arrivaient à se voir à des moments interdits les baisers avaient une saveur plus fortes et les caresses étaient plus… Enfin tout était plus intense. C’était si fort ! Dans les moments de pause elle se demandait si cela était possible “pour toujours” ? Oh oui, je le verrais bien vivre une grande histoire d’amour à l’autre bout du monde !

La fratrie de Beleth était unique. D’ailleurs, les repas de famille étaient à chaque fois pleins de surprises. Il y avait tout le temps quelqu’un pour annoncer une “révolution”. La première héritière était à la fois blasée et amusée par ces histoires d’adultes. Elle était persuadée que sa génération n’en ferait pas autant. Mais il était trop tôt pour le savoir.

– Tata est ronchon avec tonton. Vous n’avez pas remarqué ? Ils se disputent tout le temps. Alors elle repensait à ce que lui avait confié son cousin. Roméo était le cadet du côté des Tomasi. Il était plus honnête que Nino et moins curieux que Giovanni. Il avait 13 ans. C’était le préféré de Sofia. Celui avec lequel elle aimait passer du temps quand ils se retrouvaient dans la maison de Lampeduza tous ensemble. Normalement, ils se retrouveraient à la fin de l’été après ce voyage bizarre. Est-ce que tata aime encore tonton ? Dans les familles Italiennes les séparations étaient encore rares. Les gens se mariaient et restaient sous le même toit jusqu’à ce que l’un des deux meurt. Ce qui ne voulait pas toujours dire qu’ils étaient amoureux fous. Le père de Matéo est parti de chez lui. Sans rien dire à sa famille. Sofia s’en était confiée à sa mère le jour de la nouvelle. Elle avait été choquée. Elle avait du mal à comprendre comment un homme pouvait faire quelque-chose comme ça. Cela lui paraissait être grave.

Un regard franc venait prendre Vito à témoin d’un puissant matriarca. Toutes ces femmes guerriers étaient de très bons exemples. Mais il n’en restait pas moins que leur modèle était dur à atteindre.

– Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est d’être la nièce de tata et la fille de maman. Tout ça à la fois père! Je dois toujours savoir tout. Comme si j’étais une de leur “éléve”. D’ordinaire l’adolescente ne se plaignait pas de cette stimulation. Une grande partie d’elle était fière de sa connaissance. Là c’était le fait d’être avec son père. Si. Si C’est juste… C’est juste que… comment dire, avec elle toutes les questions ressemblent à un test. Un léger soupire montait aux lèvres de la jeune fille. Parfois je me dis que je ne serais pas aussi forte qu’elle le veut pour moi. Longtemps, la simple possibilité de décevoir la Strega serrait le ventre de sa fille. En contrebalancement de cette hantise elle se faisait de plus en plus indifférente, insolente devant les règles. Au moins ainsi l’échec faisait moins peur. Elle n’a pas besoin d’être parfaite, pas vrai ? Et nous non plus… !

Enfin, Olivia était encore trop jeune pour être sous les pressions qui expliquait sa soeur. Elle avait d’autres défis à relever de son côté.

– Même quand on vit vieux comme vous et maman ? Il y avait beaucoup de choses qu’elle n’avait vraiment pas envie d’oublier. Même si ça n’avait rien d’indispensable pour devenir une femme puissante. Vous oubliez plus de choses que les autres ?! C’était la première fois que Sofia envisageait les mauvais côtés de cette éternité dont la Duchesse semblait très bien assumer. Pour elle la vie ne faisait que commencer. Elle avait des difficultés à appréhender ce concept. C’était sans parler des dons que l’on voyait chez les prodiges. Il y avait tout de même de fortes chances pour qu’elle aussi ait une capacité spéciale. Mais Sofia ignorait même que son père en avait lui aussi. Vous croyez que j’aurais un don ? Dans son école privée le médecin scolaire parlait souvent d’un test de dépistage. C’était une façon d’avoir le cœur net sur la question. Cependant la Sicilienne n’avait pas très envie de le passer. Elle ne savait pas ce qui la soulagerait le plus, être ou non une Prodige ?

Ils migraient donc en direction de l'échoppe qui vendait des douceurs sucrées. La blondinette dardait sur les friandises des yeux gourmands. Elle collait presque son nez à la vitrine derrière laquelle un serveur souriait. Un teint légèrement albinos et des tâches de rousseurs donnait à ses yeux bleus un air un rien fantastique.

– Eliott cuisine aussi bien que tout le monde le dit ? On peut lui demander de faire n’importe quoi ? Même les pasta de grand-mère Rosa ? Pendant ce temps elle désignait de l’index un échantillon de petits beignets à la confiture recouverts de sucre glace. Le serveur les disposait dans un cône en papier qu’il tendait par dessus le comptoir. Sofia en présentait le contenu à son père pour l’inciter à céder à cette envie déraisonnable. Mmmm. Che bon. Soufflait la demoiselle qui se brûlait un peu la langue à cause de son impatience. Elle prenait la sortie de la boutique artisanale. Est-ce que vous avez vraiment toujours eu des cuisiniers à la maison ? C’était Jack qui lui avait posé cette question au cours d’une de leurs longues discussions. Ils débattent parfois vivement. Lui venait d’un milieu très modeste. Sofia sentait, que son mode de vie, le dérangeait parfois. Pourquoi ? Ça elle ne le savait pas. A ses yeux, il n’y avait pas de honte à être pauvre, ou riche. Le plus important était de vivre dans la sagesse. Vous croyez qu’il faut mériter sa fortune papa ? Encore une chose à éclaircir d'après le joli fils de commerçant.