[CLOS] And when life can be hard... (Zenon)

Il n'était pas difficile de comprendre pourquoi cette femme se protégeait ainsi et il n'allait pas enfoncer ses barrières, juste pour qu'elle se détende. Ce n'était pas comme cela que les choses marchaient. Il pouvait juste lui donner quelques conseils, faire en sorte que les paroles étaient entendues. Ensuite, c'était à Amélia de faire la suite du travail. Il espérait sincèrement que cela arriverait, qu'elle pourrait finir par lâcher cette envie d'arracher la tête de George, juste pour vivre mieux, enfin. Après tout, elle avait droit à être plus sereine. Lui voyait bien qu'elle avait assez souffert pour le moment, pourquoi devoir s'obliger à souffrir comme ça encore pendant des années? Il y avait des limites au masochisme.

- Cela viendra, avec un petit sourire. Laissez-vous un peu le temps.

Et puis, elle était bien entourée, les autres trouveraient le moyen de la faire trouver sa voie. Tous, autour d'elle. Chacun en apportant sa petite pierre à l'édifice. Zenon estimait que le plus important, était qu'elle devait comprendre qu'il n'y avait aucune raison qu'elle veuille se précipiter. Elle avait encore toute la vie devant elle, qu'importe l'âge, rien n'était encore perdu, mais cela, il fallait encore qu'elle l'accepte.

- Prenez exemple au pire. Je ne serai pas dérangé que vous tentiez de m'imiter. Avec un petit sourire amusé. Oui, il taquinait, mais comme toujours, comme il le faisait avec tout le monde.

- C'est une chose que l'on peut apprendre, Amélia. Les choses ne viennent pas aussi instinctivement que l'on peut croire. Alors faites-vous confiance, faites-nous confiance. Avec un petit sourire tranquille.

Le comte était prêt à aider cette louve, autant qu'elle en aurait besoin. Lui avait le temps, la patience. Voilà longtemps qu'il la côtoyait, il la connaissait, alors autant qu'elle en profite. Il espérait qu'elle prenne cette opportunité. Ce n'était pas une chance, juste un moyen de se libérer un peu plus de ses chaines. Il voulait réellement la voir bien, heureuse, plus attachée à ce passé qui lui faisait tellement de mal. Il haussait légèrement un sourcil.

- Pourquoi dire une chose pareille? Vous faites ce que vous pensez être le mieux pour vous. Je n'ai pas vraiment le pouvoir de vous juger et je ne le souhaite pas. Il était honnête, il ne voyait pas pourquoi il trouverait intelligent de dire une chose pareille. Merci. Avec un petit sourire en coin.

De Lascelle ne pouvait pas reconnaître que sa popularité lui permettait certaines choses. Mais il ne faisait pas non plus le malin avec tout ça. Son regard restait tranquille, alors qu'il la regardait sans détourner le regard. Allez savoir ce qui pouvait passer dans sa tête. La question ne manqua pas de le faire sourire.

- Être en bonne compagnie.

Qu'importe où il se trouvait, l'important c'était d'être bien entouré. Par exemple dans cet appartement, en compagnie de cette femme. En tout bien tout honneur, il se trouvait bien. Il remarquait l'invitation. Et comprenait donc que cela pourrait faire plaisir à son interlocutrice. Il laissait la fumée sortir par le nez, tranquille, comme il l'était toujours.

- Je note votre invitation, Amélia. Je viendrai.

C'était sans aucun doute une promesse, ils iront donc faire un tour ensemble sur les arches américaines. En tous les cas, Zenon était content de voir que finalement, tout se finissait plutôt bien, qu'importe le coup de sang au cabaret, ils se retrouvaient ici, presque en paix, à discuter, ce n'était pas plus mal. Le noble se doutait que les choses se termineraient sans doute dans quelques heures, mais il était prêt à rester encore un peu. Si l'attirance pouvait se sentir chez les deux partis, ce ne serait pas encore pour ce soir, car comme l'homme l'avait fait remarquer, ce n'était pas encore le moment. Il y avait des choses... mieux valait que le moment soit le bon. La précipitation n'amenait jamais rien d'extraordinaire.

>>

La brune pèse ces mots de sa voix intérieure “Faites-nous confiance”. Faire confiance. Rien d’inné. Quand on est Amélia Clark. La confiance implique de s’ouvrir à l’autre et de lui donner crédit. Accepter aussi la possibilité que cela se retourne contre soi. Ou qu’au contraire cela apporte plus.
Pêle-mêle la belle revoit ses dernières tentatives. Et Laure dans les bras de George annihile les efforts.
Il est trop tôt dans la nuit encore.

- Vous faire confiance. Hum. Le sourire se glisse en coin. Vous jurez de ne pas me faire de mal, alors.

Une confiance naissante. A demie-ton.
Les armes sont au pied du sofa. Elles se reposent sagement. L'épée reste dans son fourreau rutilant. Elles ne sont plus sorties. Tandis que l’Anglais et l’Américaine parlent ensemble. Plus de conversation de petits-salons. Il semble à la jeune femme qu’elle ne le fera plus “ça”. Parler pour pour palabrer.
Ce n’est plus non plus un exposé culturel ou politique. Terrains sur lesquels Amélia est la plus agile. Ils parlent d’eux. Ou plutôt, ils parlent de leur perception d’elle Clark. A part ses bilans de compétences et les critiques de ses collègues, les retours ne se font pas si souvent que cela. Moins souvent que ce qui pourrait vraiment l’aider à voir ses véritables failles.

- Peut-être bien que c’est ce que je ressent ? Répondre à la surprise de Zenon.
Répondre à une question par une autre question. Ce qui est évident pour l’un ne l’est pas pour l’autre. Pas souvent ou même jamais.
Enfin presque jamais. Parce qu’au fond, Amélia sent bien qu’une partie de son être coopère.

Étrange d’être en accord, de se retrouver d’accord avec un homme longtemps repoussé, griffé, mordu. De Lascelle est cependant égal à ce qu’il a été depuis leur rencontre. Il ne change pas. Non il n’a pas changé. Toujours la parole qui rebondit avec le charme.
Head lui donne aussi un sourire. Il comble la solitude par une présence apaisante. Il est si paisible. Elle en vient à se demander. Sort-il parfois de cet état ? Proche des Zens du Tibet ? Lui arrive-t-il enfin de compte de perdre pied ? Il a juré que oui. Pourtant c’est elle qui s'enivre joyeusement et lui qui reste assis dans ce fauteuil. Lord qu’il est. Lord De Lascelle.

- Vous viendrez… Peut-être là-bas, vers les racines des Clark. Ce serait bien.

Peut-être qu’Amélia trouvera ou se retrouvera une place. Une place réelle et solide. Un endroit où s’ancrer. Où elle ne serait là ni pour surveiller ses ennemis, ni pour accompagner ses amis. Car n’est-ce pas ce qu’elle a fait depuis tout ce temps, se diviser entre l’Amazone et la chienne de garde. Concentrée sur les autres.

Saoule de whiskys, de calme, de fatigue. Elle parle, se tait, aspire un peu de nicotine, parle de nouveau. Le tout en profitant de cette présence masculine dans cet endroit sans saveur. Ce n’est pas la même chose qu’avec le Sicilien. Ezio n’est pas le même. Il vient déposer sa tendresse sur leur autel et repart.
Mais, là, c’est autre chose. Zenon habite le lieu, autant que les pensées de l’hôtesse. Les désirs qui la traversse. Va et vient d'une marrée fascinante. Contre laquelle elle ne lutte plus. Et la laisser s'épanouir engendre un plaisir sans danger. Ils n'en feront rien, sans doute, cette nuit. Mais elle existe et elle abreuve cette louve jusqu'à la dernière goutte.

Le lâcher prise est si bon. Il lui semble ne pas avoir été ainsi depuis le mariage de Victoire. Longtemps avant ce soir. Quand le champagne les avaient tous eu par surprise. Quand on ne pense plus qu’on ne réfléchit plus. L’action anticipe sur la pensée. Boire avant d’avoir soif. Manger sans avoir faim. Sourire avant d’avoir rit. Caresser sans même le toucher.
Amélia prend toute son aise. Elle se met à plaisanter. Elle est différente.

Aussi dure soit cette vie… cette nuit-là elle est simple. Prophétie de jours meilleurs. De jours bleus. Comme ces yeux là.
Les yeux de Clark.