Les doigts de la ballerine caressaient distraitement le relief que formaient les titres dorés sur la tranche d'éditions vétustes aux couvertures monochromes bleus ou vertes. Elle laissait sa mains courir délicatement le long des ouvrages qui reposaient sur des étagères presque aussi poussiéreuses que les sujets dont ils traitaient et si son geste semblait s'abandonner à la rêverie, ses yeux n'en étaient pas moins fixés sur une silhouette affairée de l'autre côté du rayon.
Son regard brûlait d'une flamme ambrée qui contrastait avec la mine détachée qu'elle affichait sur ses traits. Elle déambulait dans l'une des sections la moins fréquentée de la bibliothèque nationale. Si peu fréquentée depuis la dernière décennie à vrai dire, que la direction considérait sérieusement l'éventualité de la déplacer en réserve pour gagner en espace.
La discrète silhouette, objet de cette surveillance attentive, était celle de l'une des employées. Une jeune femme dont la tenue sobre et triste s'accordait parfaitement à la section dont elle avait la charge. Seuls ses yeux vairons pouvaient trahir de sa véritable identité.
Au moment qui lui paru opportun, Lotte quitta le rayon où elle s'était tapie comme une lionne, pour approcher sa proie. Dans un froissement de tissu, elle s'était glissée jusque dans le dos de la bibliothécaire, avant de la saluer d'une voix suave :
- "
Excusez-moi mademoiselle, je cherche le in folio d'Olympe De Guise... "
Le sourire légèrement charmeur avec lequel elle accompagna ses paroles ne pouvait laisser de doute quant au message qu'elle voulait faire passer en mentionnant un rare ouvrage de sorcellerie.
Leïla, prise au dépourvue, suspendait sa main dans les airs, arrêtée à une dizaine de centimètres du rayon. Une légère accélération cardiaque soulevait sa poitrine, tandis qu'une foule de pensées dévalaient en cascade dans son esprit. Elle ménageait un temps, espérant ainsi dissimuler son trouble, avant de faire face à cette mystérieuse inconnue.
Dans une posture faite pour une attaque magique, elle murmurait un mot. Probablement du macédonien ou peut-être de l'hindou. Une réaction physique se fit intensément. Une lumière diffuse se formait de sa paume pour aller l'auréolée des pieds à la tête.
-
... "Qui t’envoie ?" Méfiante, tendue, comme tous les parias de ce monde... Leïla déployait un second sort mineur, faisant naître un feu protecteur dans sa main gauche. Fort heureusement, cet espace de la bibliothèque était beaucoup moins fréquenté, de sorte que les filles étaient seules dans l'allée.
D'un revers de main, Lotte avait balayé la flammèche magique, visiblement sans la moindre difficulté. Elle répondit à la question d'une voix parfaitement calme et posée, qui montrait qu'elle ne se sentait nullement menacée.
-
Personne. Elle fit une pause avant de reprendre.
Je suis là pour mon propre compte, Leila. La jeune sorcière, un peu impressionnée par le savoir faire et étonnée du discours, la jaugeait avec encore plus d'attention. Comprenant qu'il n'y aurait pas de combat dans l'immédiat, elle quittait sa position défensive, mais demeura méfiante.
-[color=#7dcea0]"Je n'ai plus de lien avec l'Ordre, tu perds ton temps."
A cette réplique, un mince sourire était venu illuminer les lèvres de la jeune danseuse :
-
Je sais celà. Rétorqua-t-elle simplement.
C'est justement pour cette raison que je suis là.Leïla arqua lentement un sourcil dubitatif. On sentait à présent que sa curiosité était piquée. Elle approchait d'un pas prudent.
-
Xin a enfin décidé de faire un putsch ? Cynique au possible, la fugueuse n'en était pas moins amusée, de voir le courage de cette inconnue. Lotte observait avec attention la sorcière. Sans émotion à la mention de son amie disparue, elle rétorqua sans détour :
-
Xin est morte.Leïla sembla peser cette donnée dans son esprit. Elle finit par hausser des épaules. Tout cela était derrière elle après tout. Elle rangea donc le manuscrit à sa place avant de lâcher.
-
Donc j'en reviens à ma question de base, qu'est ce que tu me veux ?Décider à jouer rapidement la carte de la franchise pour ne pas risque de faire fuir une potentiel allier, Lotte entama donc une réponse :
-
Créer un nouvel Ordre. L'apprentie de la Lampeduza ménagea un silence pour laisser résonner ses paroles.
Ce qu'en a fait la duchesse n'est qu'une arme pour son propre compte. Nos moyens sont bridés pour ses propres intérêts. La cause que nous voulons défendre est et restera entièrement biaisée si elle reste à la tête de cette organisation. Il est impensable de gâcher nos talents et notre pouvoir pour les ambition de cette femme.Leïla la fixait un instant. A cette façon de la scruter il était évident qu'elle mettait en doute la raison de sa consœur. Tout le monde savait que Strega était trop puissante pour être vaincue. Il n'y avait qu'une seule raison pour que cette fille ose parler de trahison aussi ouvertement. Aussi Leïla formula sa première hypothèse à haute voix :
-
C'est toi sa nouvelle apprentie. Elle sourit en coin, car cette fois c'était elle qui comprenait les motivations cachées derrière de cette visite. Lotte, lui souriait avec cette expression de carnassier en retour.
Qu'est ce qui me dit que ce n'est pas elle qui t’envoie ?Sérieuse, la concernée lui répondit calmement :
-
Quel intérêt en tirerait-elle, dis-moi ? Tu es tombée en déshonneur, si elle voulait te tuer, elle l'aurait déjà fait.-
... Je ne suis pas la seule dans ce cas. Un regard haineux témoignait du long passif de la sorcière entretenait avec son ancienne mentor.
Cette vieille peau nous a toutes rejetées."
Lotte obtenait exactement ce qu'elle voulait entendre et dans un souffle vint appuyer la remarque :
-
La Duchesse est dépassée... et le monde change. Avec les récent événements, la jeune magicienne avait senti qu'il était grand temps pour l'Ordre de reprendre son indépendance, sortir de l'influence Strega. L'antique immortelle l'avait réduit à une arme personnelle alors qu'il était porteur d'une véritable force, d'un pouvoir qui pourrait peser dans la balance.
-
L'arrestation du duc l'a affaibli, ses appuis ne sont plus aussi fort qu'avant. Avait-elle reprit, laissant entendre que le moment était propice à la rébellion.
-
Et tu serais la leader, évidement ? Fût la réponse moqueuse, pensant ainsi solder cette petite rencontre. Il était clair qu'elle n'avait aucun désir de sortir de l'ombre. C'était trop dangereux.
Changer un tyran pour un autre, non merci..
Nikiya s'était attendue à ce genre de réaction, mais elle n'en était pas pour autant inquiétée. Elle le sentait. Elle sentait chez son interlocutrice cette pointe d'espoir de retrouver ce que la Duchesse lui avait un jour pris.
-[color=#cc9999]Tu te trompe.[/colot] Affirma-t-elle tranquillement.
Leïla était cependant encore intriguée par cette fille, cette prodige. Sans avoir à dire oui à quoique ce soit, elle voulait en savoir plus sur cette fille. Car après tout, celle-ci pouvait très bien servir à leurs propres plans. Elle attrapa ses clefs et quittait le rayon pour les guida hors de ces murs de pierre.
- "
Bon d'accord, tu as attiré mon attention. Ne restons pas là."
La jeune femme les conduisait donc hors de la bibliothèque sans que quiconque n'intervienne. Elles partirent dans le soir, à pieds, pendant prés d'une demie-heure. Jusqu'à ce qu'enfin, elles parviennent au point d'arriver. Leïla ouvrait la porte de l'immeuble et poussa une porte, pour trouver la cage d'escalier. Lotte s'engouffrait dans l'immeuble avec grâce.