La tente offrait une ombre et une fraîcheur relative, agréable par rapport à l’air du dehors. Elle protégeait également des coups de vent sableux, qui pouvaient s’avérer aussi douloureux qu’un fouet lorsqu’ils battaient la peau nue. Même celle tannée et robuste des habitants du désert. Toutefois, les enfants auraient peut-être préféré y rester, si cela pouvait leur éviter de se consacrer à leurs travaux. Mais nous avions réussi à leur inculquer le plaisir d’apprendre malgré tout, et Sahar ne faisait jamais d’histoire pour s’y mettre. Elle était déjà plongée dans ses calculs, son visage enfantin formant une expression concentrée et réflexive.
De notre côté, nous allions aussi aiguiser nos esprits, bien que d’une toute autre manière. Tandis que Marie sortait le jeu, je m’installais avec notre invité, et admirai l’intérieur de notre foyer. Il était sommaire et fonctionnel, mais nous ne manquions de rien. De plus, nous avions réalisé la plupart des objets s’y trouvant, ou les avions troqués pour acquérir ce que nous ne pouvions fabriquer. Il régnait donc dans cet endroit une ambiance à notre image, et qui nous apaisait tout autant que le thé que nous buvions. Difficile de nous imaginer ailleurs, et pourtant…
Sveda n’avait jamais été dans ces contrées, mais elle s’y plairait sûrement. Je la voyais déjà s’émerveiller devant les différents paysages, loin de ses déserts, même si s’ils se trouvaient ne pas être semblables à ce qu’elle imaginait. Cela faisait rire notre invité, et je passais un bras rassurant derrière son dos, un sourire tendre sur les lèvres.
"Ce n’est pas complètement faux. Mais tout dépend de l’endroit où tu te rends… Le nord est aussi vaste et varié que le sud. Tu le verras très vite." Je déposais un baiser attendri sur sa tempe, prenant un moment pour réfléchir à ma réponse.
"Il fait froid, plus froid que tu peux l’imaginer. Et plus sombre aussi. Mais, là où il n’y a que le sable à perte de vue ici, certaines contrées là-bas sont verdoyantes et humides. A certains endroits, il pleut presque tous les jours. Et la mer… La mer qui va aussi loin que l’horizon, avec des vagues parfois aussi grandes que des dunes."C’était sans doute ce qui me manquait le plus. L’océan, et l’air marin. D’aussi loin que remontait mes souvenirs, il y avait toujours la mer. Je m’y sentais comme chez moi. Raison pour laquelle j’avais passé la plupart de mes vies à voyager dessus. Et peut-être était-il temps de recommencer un peu dans celle-ci.
Le jeu avait commencé, malgré l’arrivée d’un nouveau spectateur. Rieur, je regardais Azenzar essayer d’imiter le mouvement de sa mère, passant une main dans ses cheveux avant de le renvoyer vers sa sœur. Il était vraiment curieux, mais c’était une qualité chez nous. Surtout combinée à son énergie et à son espièglerie. Sahar récupérait son frère pour reprendre les études, et nous retournions à notre partie. La question de Marie me fit sourire, et je la regardai, un peu espiègle à mon tour :
"Veux-tu vraiment savoir ?" L’inconnu fait partie du jeu… Raison pour laquelle j’essayais de ne pas trop me projeter dans l’avenir, pour deviner l’issue de ces duels. Quoique pas toujours… Curiosité, encore. Je la rassurais cependant.
"Tu peux tout à fait y arriver. Rappelle-toi nos leçons."La stratégie était un art qui se créait, et s’entraînait. Et Sveda avait toute la vivacité d’esprit et la patience pour y parvenir. Au cri de notre cadet, je lui fis signe que je m’en occupais, et l’illusion du chat apparut devant Azenzar, se dirigeant à nouveau vers la table de travail pour l’y attirer. Il se posa ensuite tranquillement sur la table, veillant à ce que le jeune garçon continue sans déranger sa sœur. A chaque nouvelle tentative de détournement d’attention, il ramenait notre garçon au calme, se laissant caresser, pour l’apaiser.
Notre après-midi s’annonçait donc calme, et propice à de nombreuses parties. Du moins, jusqu’à ce que le temps soit venu de préparer le repas, auquel était convié notre invité bien évidemment. Une autre journée calme et paisible dans notre vie. Et nous aurions très vite le temps de les regretter, ou d’y penser avec nostalgie.
Fin du sujet