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[CLOS] Black Swan - Les Lampeduzas

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Lun 4 Juil 2016 - 23:32
La question de la duchesse lui fit serrer les dents. Elle observa la femme avec une intensité étrange mais se retint de répondre de façon trop virulente. Le discours de la vieille aristocrate n'était pas sans lui rappeler ceux que certains membres de sa famille pouvait lui rabâcher.
L'égalité était une notion abstraite et utopique créé par l'homme et presque contre nature dans un monde qui fonctionnait sur le modèle de la sélection naturelle et des prodiges. Lotte détestait ce point de vue et ce, malgré les nombreux arguments qui soutenaient cette thèse défendue par la femme aux cheveux d'argent. Mais l'égalité était aussi un concept propre à la civilisation. Ce même concept de civilisation qui différenciait les hommes des animaux.
Elle, avait côtoyé bien trop de jeunes hommes et de jeunes femmes aux talents incroyables pour la danse sans qu'ils ne soient pour autant prodige pour accepter cette façon de voir les choses. Leur travail et leur persévérance les avait placé au dessus de danseurs dotés pourtant de facilités. Les prédispositions étaient une choses, ce qu'on en faisait était une autre et à quoi bon naître génie si l'on ne pouvait avoir accès au savoir ? À quoi bon avoir un don pour la danse si l'on avait accès à des cours ou même une paire de chaussons ?

Le ton ironique de la vieille femme n'invita cependant pas Lotte à lui répondre et elle garda pour elle ses arguments, se contentant de servir à son interlocutrice une petite moue. Mais la duchesse ne s'arrêta pas là et sa dernière réplique porta un coup bas à la danseuse.

-C'est peut-être parce qu'ils ont connu la guerre qu'ils veulent profiter de la vie, pour tout ceux qui n'en on a pu la chance... murmura-t-elle entre ses dents. Ni le lieu ni l'endroit ne prêtait à entrer dans discussion conflictuelle, aussi l'étoile garda son calme et son sourire pourtant quelque peu voilé.

Heureusement pour tout le monde autour de cette table, la conversation dévia vers d'autres sujets. La suite du dîner se révéla plus légère et moins controversée. La mécène n'en avait pas moins des points de vues bien arrêtés mais Lotte présentait toujours ses arguments avec justesse et se trouvait même surprise de prendre un certain plaisir à les confronter à ceux de l'aristocrate.

Au bout d'un moment, son interlocutrice s'excusa avant de quitter la table, laissant ainsi seule la ballerine avec son mari. Ce dernier, il fallait l'avouer, ne s'était pas montré très bavard. Il avait tout de même participé aux conversations mais toujours en restant en retrait par rapport à sa femme qui dirigeait clairement cet rencontre.
L'étoile fut alors d'autant plus étonnée de sa proposition lorsqu'il émit l'idée de la peindre. Notre héroïne resta un moment silencieuse, observant le duc avec une certaine intensité. Comment lui dire non ? Comment résister à cet homme, mais, encore plus, comment résister à cette flatterie de l'ego, à ce compliment de voir sa silhouette immortalisée sur une toile. Un petit sourire amusé naquit sur les lèvres de la danseuse et, sans s'en départir, elle lui répondit avec malice :

-Ce serait un plaisir. Vous êtes donc peintre ? En plus d'être duc et mécène ?

Le ton était très légèrement sarcastique. Cette activité de peintre ne le surpris guère, il y avait dans la peinture quelque chose de la passion dilettante presque propre à la dolce vita qu'elle les imaginait vivre.
Déjà, la duchesse revenait vers leur table lorsque l'homme lui précisa de ne pas faire mention de ce détail à sa femme. Lotte arqua imperceptiblement un sourcil mais répondit à cette demande par un clin d'œil discret. Était-elle surprise par la requête de l'homme ? Elle n'aurait su dire.

Le duc alla régler la note et les deux femmes s'échangèrent quelques mots polis. Lotte remercia une dernière fois le couple et, au moment des adieux, la mécène se pencha un peu plus vers elle pour lui glisser quelques mots qui, étrangement, mirent mal à l'aise notre danseuse. Cette dernière fronça légèrement les sourcils comme pour faire mine de ne pas comprendre mais dans sa poitrine son cœur battait à tout rompre. Toujours souriante, elle les regarda s'éloigner vers leur voiture et ne tourna les talons qu'un fois leur véhicule perdu dans le flot du trafic.
Elle était pensive et le ballerine, malgré la fatigue, fit le choix de rentrer jusque chez elle à pieds.
Fin du sujet
Nikiya
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